Les principales fonctions de la musique de film (par Zofia Lissa, Ästhetik der Filmmusik -1959)

1. Marquer le mouvement : Accompagner musicalement un acte visible ou audible n’étant naturellement pas en rapport avec de la musique. Ex : courir, galoper, agiter, balancer, voler, planer, caresser, frapper, poignarder, couper, trembler, frotter, de façon rapide, lente, calme, stupide, etc…

2. Marquer les sons réels : Superposition stylisée de bruit assumée par la trame sonore. Ex : La pluie, le vent, des pas, des claquements, des machines, des cris, des soupirs, des rires, des bruits en sourdine, des « pif » et des « bam » et autres onomatopées inspirées de la série Batman lorsqu’il terrassait ses adversaires.

3. Représenter le lieu d’action : Utiliser la musique afin de plonger l’auditoire dans un environnement culturel, physique, social ou historique particulier. Physique, ethnique : Le Japon, la jungle, les amérindiens, Paris, la ville, la campagne, l’espace, un laboratoire, sous l’eau, dans un hôtel chic ou un bar miteux. Social : classe aristocratique, classe moyenne, classe ouvrière. Historique : Temps anciens, médiévaux, baroques, fin de siècle, futur, etc...

4. Musique source : Lissa utilise le terme “Source music” pour désigner les « situations de musiques réelles », alors que Gorbman y réfère avec le terme « musique diégétique ». La musique de film devient diégétique lorsqu’elle est engendrée par la logique inhérente à la réalité fictive de la production visuelle, autrement dit lorsque la source de cette musique fait partie de cette réalité fictive. On peut voir la musique source comme étant une musique audible par le ou les personnages, et faisant partie du jeu de la scène dans laquelle elle survient. La source peut être visible à l’écran. Par exemple, une fanfare, un groupe dans une discothèque, un parent chantant une berceuse, un concert, un orgue dans une église ou une congrégation, etc… Elle peut aussi être invisible. Ex : Une radio d’auto, de la musique d’aéroport ou de centre d’achat, une télévision ou une chaîne stéréo qui auraient été mises en marche.

5. Un commentaire : Soit utiliser la musique afin de commenter les images en perspective. Le type le plus courant de commentaire transmis par la musique dans un film est le « contrepoint », qui présente une musique venant contrarier la connotation d’une séquence d’image. Par exemple, un air doux et mélodieux sur une vision d’holocauste nucléaire, ou une musique grinçante pour une scène d’amour. Une autre façon de passer un commentaire est de présenter une musique portant une dimension émotionnelle à une série d’événements venant tout juste de se terminer, comme une sorte de résumé musical. (En opposition à la fonction 9 présentée plus bas). ANNEXE 2 6. Exprimer les émotions des acteurs : soit utiliser la musique afin de communiquer les émotions ressenties par le personnage tenant le rôle à l’écran. Ex : Gros plan sur le héros lisant une lettre avec un air impassible, alors qu’une musique effrayante indique au spectateur que celui-ci est foudroyé par une nouvelle terrible.

7. Guide émotif pour l’auditoire : Utiliser la musique afin de communiquer un certain type d’émotion pouvant être semblable ou différente à celles vécues par le personnage à l’écran. Ex : La même scène et la même musique qu’avec celle de notre héros en fonction 6, mais cette fois avec un malfrat lisant la lettre, accompagnée par une musique d’horreur. L’auditoire sait que la lettre porte de mauvaises nouvelles pour eux, mais le méchant personnage de fiction, lui, s’en réjouit.

8. Symbole : Utiliser la musique pour représenter une personne ou une chose déjà connue par l’audience, mais ne faisant pas partie directement de la séquence narrative immédiate. Ex : Un héros blessé vu dans la misère et un profond désarroi qui pleure à chaudes larmes en avalant des fourmis, mais accompagné du thème de la bien-aimée qu’il désire.

9. Anticiper une action subséquente : Ex : La musique s’assombrit alors que les images restent candides. Elle place l’auditoire dans une atmosphère menaçante, juste avant que le visuel ne coupe vers un bouleversement sauvage inattendu.

10. Tracer la structure formelle d’un film (Fonction de leitmovtiv) : Le leitmotiv est un motif, un thème, une « idée » musicale directement associée à un élément du film (personnage, lieu, sentiment, idée,…), il peut être transformé, varié, en fonction des circonstances du récit, mais souvent facilement reconnaissable. Ce procédé a été largement utilisé dans les opéras de Wagner (compositeur allemand du 19ème siècle) bien avant la naissance du cinéma. Ce que l’on appelle le « thème principal » d’un film un synonyme de leitmotiv. Nous avons tous en tête des dizaines de thèmes célèbres : Le « chabadabada » d’Un homme et une femme, le thème à l’harmonica d’Il était une fois dans l’Ouest, le motif si stressant des Dents de la mer, le suspense et l’action suggérés par Mission impossible ou James Bond, le romantisme d’Autant en emporte le vent, de Titanic, les thèmes héroïques de Star Wars, Superman ou Pirates des Caraïbes…