28.5 Les procès de l’histoire de la musique
Dialogue des Carmélites | Dmitri Tcherniakov & Kent Nagano (DVD/Blu-ray trailer)
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En octobre 2015, la Cour d’Appel de Paris déclare l’interdiction d’une mise en scène, celle du Dialogue des Carmélites de Poulenc par Dmitri Tcherniakov. Pour comprendre pourquoi, il nous faut remonter jusqu’aux origines de l’oeuvre…

Passé. Au XVIIIe siècle, pendant la Révolution française, seize religieuses carmélites de Compiègne sont accusées de fanatisme et condamnées à mort par le Tribunal révolutionnaire. Cent cinquante ans plus tard, en 1949, leur histoire est adaptée pour le théâtre par Georges Bernanos. Puis, en 1957, le compositeur Francis Poulenc fait du Dialogue des Carmélites un grand opéra.

Présent. Dans sa mise en scène présentée en 2015 à Munich, Dmitri Tcherniakov inscrit l’intrigue des Dialogues des Carmélites dans notre époque contemporaine. Mais l’objet du désaccord n’est pas là : ce qui va profondément déplaire aux ayants-droits de Bernanos et de Poulenc, c’est la nouvelle fin proposée par Tcherniakov. Les religieuses ne sont plus mises à mort, elles tentent de se suicider, avant d’être sauvées de justesse par le personnage principal, Blanche de la Force.

Or Bernanos était un fervent catholique, et l’idée de martyr lui était chère, tout autant que celle d’espérance. Ses carmélites ne se résignent pas et accueillent paisiblement la mort. En modifiant la fin de l’oeuvre, Tcherniakov aurait donc porté atteinte au droit moral de Bernanos.

Futur. La plainte déposée par les ayants-droits de Bernanos et Poulenc avait été une première fois déboutée, en 2014, par le Tribunal de Grande Instance de Paris. Mais les plaignants font appel et remportent leur second procès, et cette nouvelle décision de justice est largement critiquée. Pourquoi Tcherniakov aurait-il porté atteinte à l’oeuvre ? Existerait-il une limite à ne pas franchir ? Un équilibre à respecter en matière de création artistique ? La justice a tranché, mais le débat reste ouvert.