28.5 Les procès de l’histoire de la musique

« Priez pour cette femme qui m’a si bien percutée » écrit Charles Gounod à propos de Georgina Weldon, cantatrice anglaise. Dans cette courte phrase s’exprime toute la personnalité du compositeur : tantôt bigot, mystique, et à d’autres moments emporté et soumis à une soudaine passion.

Préambule. En 1870, la guerre éclate en France et la famille Gounod se trouve à Londres. Outre-Manche aussi, le nom du compositeur est célèbre : on connaît son fameux Ave Maria, on a eu vent du succès de son Faust et de Roméo et Juliette… Et une jeune cantatrice de 34 ans, Georgina Weldon, souhaite s’imposer comme sa nouvelle muse.

Gounod, Georgina et son mari (car elle est mariée) deviennent inséparables, tant et si bien que le compositeur finit par s’installer dans leur maison, Tavistock House, alors que Madame Gounod préfère rentrer en France, loin de cette scandaleuse liaison.

Le drame. Jusque là, tout va bien. Sauf que la relation entre Gounod et Georgina Weldon va s’intensifier, se complexifier. Elle veut qu’il compose pour elle, qu’il écrive pour sa voix. Lui est fatigué, agare : « Gounod, souffrant, descend en pantoufles avec un bonnet de velours sur la tête », écrit le journaliste Oscar Comettant, de passage dans la capitale anglaise.

Les yeux de Charles Gounod. , © Getty / Nadar

Les amis du compositeur s’inquiètent, au point d’intervenir : en 1874, ils le ramènent à Paris. Georgina Weldon est alors furieuse : la voilà abandonnée par son Pygmalion, et ses espoirs de succès s’envolent. Elle prend aussitôt les affaires du compositeur en otage, refusant de lui rendre, notamment, la partition de son Polyeucte. Georgina intente même un procès contre Gounod, qui ne remettra jamais les pieds en Angleterre et échappera ainsi, au règlement de 10 000 livres de réparation.

Epilogue. Non contente d’avoir remporté son procès, Mrs Weldon déversera par la suite toute sa haine dans une publication lapidaire : « Après trois années de collaboration dans le même but, la déception fut amère lorsqu’il paya d’insultes, d’ingratitude et de calomnies les tendresses que nous lui avons prodiguées. »