Juliette Gréco : Les yé-yé ont beaucoup repris ce qui existait ailleurs. Johnny Hallyday, par exemple. Je ne m'y suis pas intéressée parce qu'à l'époque Presley était vivant. Il ne faut pas faire moins bien ce que les autres font mieux. Après... les nouvelles chanteuses étaient ravissantes. Hardy, Vartan, un plaisir des yeux. Nous ne faisions pas le même métier ; chacun apporte ce qu'il a à apporter.
Françoise Hardy : Un jour, je suis tombée sur une radio anglaise qui diffusait de la musique non-stop : j'ai découvert Presley, Brenda Lee, Cliff Richard. Une folie ! Puis, l'année du bac, on m'a offert une guitare et j'ai réalisé qu'avec trois accords je pouvais faire des mélodies. Dès que je pouvais, je m'enfermais dans la cuisine pour jouer — il y a toujours une acoustique meilleure dans les pièces avec un carrelage. J'ai appartenu à cette vague yé-yé qui n'était pas très appréciée de la génération précédente, et de certains journalistes. Denise Glaser ou Pierre Dumayet voulaient nous coincer à propos de notre inculture. Nous sortions de milieux populaires relativement défavorisés.
Maxime Le Forestier : Les yé-yé, c'était l'horreur absolue. Cloclo, Hallyday, tout le mouvement Salut les copains. J'étais un peu trop jeune. Pour quelqu'un qui avait fait de la musique, c'était agressif. Et puis, quand on a goûté à Brassens pour commencer, difficile d'écouter ça. Je préférais Barbara, Ferré, Brel. Ou les auteurs américains, à travers Bob Dylan, Peter, Paul and Mary, Joan Baez...
Daniel Darc : Les yé-yé ? Bof. J'avais Eddy sois bon ou Dactylo Rock. J'aimais plutôt bien Ronnie Bird. Mais ça restait quand même un peu parodique, de la pâle imitation des originaux anglo-saxons. Les autres, je haïssais carrément. Le pire, c'est la mythologie bâtie autour des idoles disparues : Joe Dassin, Mike Brant ou Cloclo. Comme si la mort leur avait donné du talent. Le talent, on l'a ou on ne l'a pas. Ils seraient vivants, ils nous soûleraient toujours autant. Quant à Johnny, il a un beau sourire et une « démarche » intéressante... mais juste quand il se déplace. Môme, je me souviens quand même avoir entendu sur un transistor Sous le soleil exactement. Ça m'a paru d'une beauté inouïe, le texte, l'écriture. Une révélation. C'était donc possible, en chanson, en français. Gainsbourg fut le premier pour moi, même si Boris Vian avait génialement réussi avant.
Dominique A : Je fais partie des cloclophobes. C'est une souffrance, tout ce qui se passe autour de lui aujourd'hui. Même pour rire, ça ne m'amuse pas, même complètement bourré à une fête, c'est rédhibitoire. J'ai toujours cherché à ne pas donner dans le franchouillard, le grivois, la vulgarité...
Benjamin Biolay : A l'époque, certains magazines mettaient Cloclo et Françoise Hardy sur la même une. Pourtant, ils ne faisaient pas du tout la même chose.